Juillet/Août

Vendredi 9 juillet
Fraîcheur au Cellier où nous venons d’arriver. Je dois enfiler le seul sportswear à manches longues apporté.
Initiative appréciable de Heïm, que je me dois de saluer ici : il me propose de me retirer du GIE Lorisse afin de ne plus rien risquer, s’il venait à disparaître et que ce groupement venait à dégringoler. Les membres (je suis actuellement un des administrateurs, contrôleur des comptes et de la gestion) se trouvent solidairement et indéfiniment responsables.
Je passerai donc une journée au château d’Au le 13 août pour signer les papiers de démission de ce poste et partager un repas avec lui.
Il pratique toujours le jeu du billard psychologique : je lui avais confié le différend implicite que j’avais avec Sally concernant ma BB, et il n’a pas manqué de dramatiser l’affaire pour l’inquiéter sur cette fâcherie. En plein parcours Lyon-Le Cellier, appel de Sally sur mon portable, m’interrogeant sur la cause du problème. Je dois lui préciser ma position : aucun éloignement affectif, mais l’impossible renouvellement d’une rencontre entre elle et ma BB. La voilà qui, s’hérissant presque, commence à remettre en cause la logique de cette démarche, s’étonnant que, « sans être en extase devant BB », les relations ne puissent se poursuivre.
Incongru raisonnement qu’il me faudra démonter lors d’une prochaine entrevue. Jamais je n’aurais attendu cette dévotion admirative, mais la marge, le fossé, le gouffre s’impose entre cet extrême et les préjugés dépréciatifs dont elle s’est immédiatement masquée. Lorsque je songe à son discours incendiaire sur l’épouse de Heïm, Vanessa, ou, dans un tout autre genre, sur Angel, le compagnon de Hermione, cela relativise et fragilise, pour le moins, sa position. Et pourquoi les rapports entre BB et Karl ont-ils toujours été chaleureux, gentils et sans perfides sous-entendus. Son fils serait-il moins sensible aux êtres, moins intelligent ? Et moi, pourquoi ne pas respecter en conscience mon choix sentimental ? Voilà un petit aperçu de l’argumentation qu’elle devra encaisser si elle souhaite maintenir un lien avec moi.
Avec Heïm, les positions sont plus claires depuis le début : jamais je ne lui présenterai ma bien aimée. En revanche, si Shue se trouve disponible cette journée d’août, je l’emmènerai sur ces terres pour rencontrer ce monsieur si singulier.

Lundi 12 juillet
Suite de séjour dans la sérénité, mais dont on ne tire pas grand-chose littérairement. Seules les nuits laissent exploser les plus improbables délires au fouillis de références. Ainsi, la dernière image qui me reste du songe de petit matin : assis sur un mur de prison avec, à ma gauche, une jeune fille très ressemblante à la chanteuse Elsa dans ses premières années de carrière et, à ma droite, un gars, compagnon d’infortune peut-être. En face, nous surplombant à une dizaine de mètres, le bâtiment carcéral aligne en son dernier étage une suite d’ouvertures avec barreaux derrière lesquelles la tête d’œuf du X français, dont le nom m’échappe…
La scène tourne autour de cette présence féminine à mes côtés, avec ses cheveux parfumés qui me caressent le visage, mais que je sais destinée au gars de droite, et dont j’absorbe ce qui peut m’échoir de douceur excitante. Tout cela sous le regard des fauves concupiscents en cage… Le nœud psychologique : parvenir à vivre quelques soupçons de complicité avec cette enivrante présence sans s’attirer la foudre jalouse et haineuse des détenus que je dois sans doute retrouver peu après, et en sachant que la fusion totale avec la demoiselle ne me revient pas. De la matière à interprétations ? Je ne me risquerai pas à cet exercice vaseux. Rapporter comme historiette sans attache définie me va bien.
Ce jour, petit tour avec ma belle en cheveux vers Guérande… Plongée dans les charmes d’Armor à défaut de trempette dans les eaux bretonnes. La canicule estivale ressemble à une météo préhistorique qu’on nous évoquerait pour réchauffer un peu nos jours d’été… Ne pas se plaindre, car le cycle des suées infernales pourrait s’imposer de nouveau.

Mardi 13 juillet
Et un cœur de localité fortifiée de plus visité ! Déambulation pédestre dans ces veinules antiques et, de chaque côté, une succession de commerçants (parfois artisans) qui guettent le chaland.
Au centre de Guérande, une abbatiale aux intérieurs sobres et majestueux, comme un lieu d’évidence pour méditer. Dressés, hérissés même, les tuyaux de toutes tailles de l’orgue aux touches en bois cachées par le couvercle. Une dominante bois et pierre dans ce lieu aux harmonies épurées. Sans religiosité, le sentiment du beau et du bien affleure en moi, ondes submergentes de cette bâtisse vénérable.
Après ce passage spirituel, détente sur sable, sur la petite plage en « U » écrasé qui jouxte le fameux L’Océan du Croisic. Happer quelques rayons sous un grand bleu inespérable depuis Le Cellier.
23h45. Mon absence d’inclination pour le corps public et sa déliquescence fonctionnarisée se conforte au gré des témoignages. Ainsi la ville d’Arles entretiendrait une cinquantaine d’agents à ne rien faire pour d’obscures et indéfendables raisons. Le fonctionnaire en faute est soit prié de rester chez lui tout en percevant la rétribution de son échelon, grade…, soit changé d’endroit grâce à une… promotion. Quelle sage gestion de nos contributions, et ce avec la bénédiction des mafieuses cellules syndicales. Le racket fiscal pour ce type d’utilisation amplifie le vomissement généralisé.

Jeudi 15 juillet
Fulmination contre le verbe utilisé par Sally pour défendre son attitude vis-à-vis de ma compagne : quelle ne « s’extasie » pas devant. Voilà l’exemple typique de ses attaques larvées sans fondement solide. Devant qui, moi, ai-je été en extase ? Certainement jamais devant elle ni devant aucun membre des châteaux côtoyés, cas mis à part de Heïm pendant quelques années d’adoration paroxystique. Cela n’aurait donc pas fait lourd si j’avais dû limiter mon relationnel à ce critère. Figure de style pour dissimuler son hypocrite position, alors ? Intolérable hyperbole, infecte antiphrase ! A éclaircir et à envoyer paître loin de mon existence dans ce cas. A notre prochaine entrevue duale, je lui fixerai très clairement et très profondément mon jugement sur ses pirouettes rhétoriques à gerber ! Et si elle pratique l’attaque ad hominem, je n’hésiterais pas à forcer la surenchère salaude avec gros tarin et alopécie flagrante pour sa soixantaine approchante. Rien à tolérer par affection face à si peu de générosité pour la personne que j’aime. A dureté crétine, férocité instinctive !
Notre Président aussi s’énerve contre le petit sur actif qui lui fait de l’ombre. Voilà qu’il tombe dans le rappel proclamé de sa fonction, comme s’il doutait de son autorité et de sa légitimité, un peu comme l’avait fait Fabius, lors d’un débat, que son contradicteur, un certain Jacques Chirac, avait efficacement remis en place avec un rapprochement animalier de bon aloi. Au petit « roquet » Premier ministre succède l’autruche présidentielle. Bien cachée dans son sable élyséen, elle ne tolère aucun affront, aucune remise en cause de sa superbe avec ses gourdes, ses ratages et ses écarts lexicaux. La girafe campée par Anouilh avait tout de même plus de majesté que son pseudo rejeton spirituel et le RPF davantage de crédibilité que la cathédralesque UMP dont on ne perçoit plus que les ruines prématurées.
Serait-ce mieux chez les socialos ?
Les lézardes qu’a essayé de camoufler ce matin l’infatigable Lang sur France Inter, à propos de la Constitution européenne et de la réponse à fournir au référendum annoncé pour 2005, ont révélé encore une fois la pratique du grand écart de ce PS décidément clownesque. Ne pas s’isoler des autres partis socialistes de l’Union, ne pas donner l’impression de s’aligner sur le clairon présidentiel, ne pas laisser prendre de poids aux quelques voix dissonantes au sein de leur parti : voilà les impératifs des Lang, Hollande, JFK et autres pontes de la Rose... qui n’en finit pas de nous emmerder, dixit la chansonnette le luronnienne. Alors c’est un oui en cul de poule qui est susurré... il cumule tous les défauts ce traité, il ne mérite même pas le ronflant statut de Loi fondamentale pour Lang, mais il permet tout de même un minuscule pas pour l’Europe et un grand bon pour les rodomontades politiques... Alors voilà, même ce quasiment rien, ce presque néant, cet effleurement du vide, il « prend » le Lang. Saluons ce sens aigu du sacrifice qui en oublie même la conscience du ridicule.

24 juillet, 0h40
Une sinistre moisson pour cet été : Sacha Distel, puis aujourd’hui Serge Reggiani se sont éteints, trop mûrs pour la vieille squelettique. Lanvin et Depardieu ont eux fait revivre pour moi, ce soir, l’explosif duo dardien San Antonio et Béru. Une truculence assez bien rendue et des personnages secondaires, comme le Galabru la boule à zéro ou le Luis Régo au cigarillo qui empeste, qui complètent sans fausse note l’univers des deux flics déjantés.

2 août, 22h30
Petit souvenir de canicule depuis quelques jours. Ventilo en face, sueur au dos de la tête, mollesse généralisée, les explosions de température doivent stopper demain.
Mon week-end du 15 août à Paris s’annonce déserté par toutes mes amies en vacances à cette période. Du 100% d’absence… la capitale aux mains des touristes. Sonia me laisse très gentiment son appartement à disposition. Dans le cinquième, je serai proche de tout… et des souvenirs de ce quartier fréquenté par mes pénates estudiantines.
Vu un documentaire sur le tueur en série Guy George et son tableau de chasse. Atroce (et fascinant pour certaines), il possède aujourd’hui, du fond de son trou, un fan club… Les jeunes filles privées de leur existence, voilà tout ce qui devrait rester au fronton. Eradiquer ce pervers irrécupérable, quel que soit son sourire, son charme et la couleur de son caleçon !

7 août
Très calme, mon été : néant professionnel, douceur quotidienne avec ma BB et délassements divers à Lyon. Mon séjour à Paris va se faire sans aucune présence amicale, sauf peut-être Karl qui passera une journée. Vraiment la pire période pour revoir mes amies parisiennes… toutes parties. Je me contenterai donc des beautés de Big Lutèce en jouant le touriste avec, tout de même, un pied à terre de choix… Oh là ! la déliquescence me submergerait-elle dans le gâtisme ? Me voilà inscrivant les mêmes informations que le 2 août dernier… une vraie chienlit ce journal ! De plus en plus l’impression de faire du remplissage poussif puisque je n’ai ni transcendance existentielle à rapporter, ni réflexion ébouriffante à exposer…
Départ ce matin de maman et Jean après un passage exprès pour découvrir notre nid. BB nous a régalés, tout comme les inévitables Pique-Assiette et Nardone, nos deux adresses préférées pour initier nos hôtes aux gourmandises lyonnaises. Découverte de traboules sur les pentes de la Croix Rousse. Insolite à visiter, inimaginable pour moi d’y résider : trop étouffant, trop entassé, trop glauque parfois, malgré sa phase de réhabilitation. Une confirmation de plus de la qualité de l’appartement choisi.

Jeudi 12 août
Retour dans mon dernier quartier estudiantin, vue sur la fourmillante place de la Contrescarpe au Monaco à cinq euros vingt, un vrai attrape-touristes. En solitaire, selon ma tradition parisienne respectée.
A passer rue Soufflot, approcher le Panthéon, descendre la Mouffetard, émotion diffuse d’une trajectoire par à-coups insatisfaisants. Du pur pathos, sans doute, mais qui a son esthétisme d’un coin mythique pour la jeunesse.
Avec quelques gouttes, ciel chagrin via le café Delmas, je rumine sans trop cibler mes récriminations. Ca pleure sur les pavés, mais l’animation ne déserte pas l’endroit. Moi, l’anormal qui remugle sans fin : s’arracher de ce malaise renouvelé par le banal anéantissement.
Un inspirant Coldplay pour se nettoyer des sombres rogatons et virevolter vers la quintessence créative aux résonances célestes.

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